Petit Déjeuner

Pain miellé d’Apicius

De Re Coquinaria, VII-296

Rucher en terre cuite , Villa Imgiebah, Malte, Ier siècle URL : http://www.encyclopedie-universelle.com/abeille1/imgiebah-xemxija-malte-ile-rucher-rome-interieur-ruches.jpg Copyright Département du Tourisme de Malte

Rucher en terre cuite , Villa Imgiebah, Malte, Ier siècle
URL : http://www.encyclopedie-universelle.com/abeille1/imgiebah-xemxija-malte-ile-rucher-rome-interieur-ruches.jpg
Copyright Département du Tourisme de Malte

Ingrédients  

  • Lait
  • Huile (d’olive de préférence)
  • Miel (de romarin de préférence)
  • 4 tranches de pain rassis coupées en petits carrés

Procédé 

Utilisez des tranches de pain de mie rassis ou de pain brioché, et coupez-les en quatre. Trempez les  carrés de pain dans un récipient contenant un fond de lait. Le pain doit alors être légèrement imprégné, mais non gorgé de lait et trop ramolli. Ensuite faites les frire dans une poêle contenant de l’huile chaude, jusqu’à ce qu’ils deviennent dorés et croustillants. Enfin enrobez-les généreusement de miel de romarin.

Bibliographie 

  • APICIUS, De Re Coquinaria.
  • ROBBINS D., Roman times, 1995.

Aspects archéologiques et  historiques autour du miel

Dans la recette du petit déjeuner la plus répandue de l’Antiquité Romaine que l’on vient de vous proposer, les ingrédients principaux sont le lait et le miel. Il ne faut pas oublier que jusqu’à la Conquête Arabe de l’Espagne au IXème siècle, le miel était le produit sucrant le plus répandue en Occident. Ensuite, le miel a connu une assez longue période de déclin à cause du grand succès du sucre jusqu’au XVIIIème  siècle. Pendant cette phase on l’utilisait notamment dans la conception de médicaments. A partir du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui il a repris sa place « d’adoucissant » culinaire par excellence dans de nombreuses cuisines. Toutefois la pollution et le réchauffement climatique mettent de plus en plus en danger la production du précieux nectar. C’est pour cela que de plus en plus d’apiculteurs ont décidé de revenir à des techniques de production biologiques et traditionnelles. Parfois il s’agit de techniques qui ne différent pas beaucoup de celles utilisées par les Romains. Mais comment produisait-on le miel pendant l’Antiquité ?

Tout d’abord il est intéressant de noter que les premières traces qui attestent l’utilisation de miel datent du IXème millénaire avant J.-C. en Espagne. A ce propos c’est curieux qu’aujourd’hui certains « chasseurs de miel » en Inde adoptent des techniques préhistoriques ; c’est-à-dire qu’ils prélèvent le miel directement sur les arbres après avoir affaibli les abeilles avec la fumée d’une torche. Après il faudra attendre jusqu’en 2400 av. J.-C. pour trouver pour la première fois chez les Egyptiens l’élevage des abeilles. A partir de cette époque-là le miel fut considéré jusqu’à la Rome des origines comme la nourriture des dieux par excellence. Aristote-même s’intéressa aux origines du miel ainsi qu’aux méthodes de production. A partir du IIIème av. J.-C. on assiste à un véritable essor de rédaction de manuels consacrés ainsi  à l’apiculture. C’est notamment le cas de l’œuvre de Columelle avec son De Re Rustica. Dans ce précieux manuel d’agronomie il nous renseigne aussi à propos des mots grecs et latins pour la ruche : μελιττῶνες, « melittones » en grec et alvarius en latin. En latin on trouve aussi d’autres versions pour ce mot comme alvearia, qui apparait dans les Géorgiques de Virgile. Grace à l’« Edit du Maximum » de Dioclétien nous savons que le prix moyen du miel était le même qu’une amphore de vin de très bonne qualité. Jusqu’au XIXème siècle les apiculteurs ont utilisé les mêmes techniques de production de l’Antiquité. Autour de la Méditerranée la procédure la plus répandue consistait à réaliser des ruches cylindriques en céramique (voir photographie) qui étaient placées au milieu d’un bois ou aux limites d’un champ agricole.

Rucher en pierre , Villa Imgiebah, Malte, Ier siècle après J-C, URL : http://www.encyclopedie-universelle.com/abeille1/imgiebah-xemxija-malte-ile-rucher-rome.jpg Copyright Département Tourisme de Malte.

Rucher en pierre , Villa Imgiebah, Malte, Ier siècle après J-C,
URL : http://www.encyclopedie-universelle.com/abeille1/imgiebah-xemxija-malte-ile-rucher-rome.jpg
Copyright Département Tourisme de Malte.

  Voici les conseils de Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle :

 (Livre XXI, 48 – 49) : «Les ruches doivent regarder le lever équinoxial, et éviter l’Aquilon aussi bien que le Favonius. Les meilleures ruches sont celles d’écorce, ensuite celles de férules, en troisième lieu celles d’osier; on en a fait faire en pierre spéculaire, afin d’observer le travail des abeilles à l’intérieur (XVI, 16). Il est très avantageux d’oindre tout autour la ruches avec de la fiente de bœuf.

L’opercule doit être mobile par derrière, afin qu’on puisse le pousser en dedans, si la ruche est grande ou l’opération peu productive, de peur que, découragées, les abeilles ne renoncent à travailler; puis on le ramène peu à peu en arrière, les trompant ainsi sur le progrès de leur ouvrage.

XLVII. [2] En hiver on couvrira les ruches avec de la paille; on fera de fréquentes fumigations, surtout avec la fumée de fiente de bœuf. Elle leur est bonne, tue les insectes qui se développent, les araignées, les papillons, les vers, et même excite les abeilles. Il est facile de les débarrasser des araignées, mais le papillon est un ennemi plus dangereux : pour le détruire, on choisit au printemps, quand la mauve mûrit, une nuit sans lune, par un ciel serein, et on allume des flambeaux devant la ruche : les papillons se jettent dans la flamme.

XLVIII. [1] Si l’on pense que les abeilles n’ont plus d’aliments, on mettra à la porte de la ruche des raisins secs et des figues pilées, ou bien de la laine cardée, humectée avec du vin cuit ou du raisiné, ou de l’eau miellée. On y met aussi de la chair de poule crue. En certains étés même, où une sécheresse continue leur a enlevé l’aliment fourni par les fleurs, il faut leur donner de la nourriture comme il vient d’être dit. Quand on récolte le miel, on frotte les issues des ruches avec le mélissophyllon (mélisse) ou le genêt broyé, ou bien on les entoure par le milieu avec la vigne blanche, de peur que les abeilles ne se dispersent. On recommande de laver avec de l’eau les pots à miel et les rayons : cette eau, bouillie, fait, dit-on, un vinaigre très salutaire. »

Bibliographie

  • Columelle, De Re Rustica.
  • Pline l’Ancien, Histoire Naturelle.
  • Virgile, Géorgiques.

http://remacle.org/bloodwolf/erudits/varron/agriculture3.htm http://www.sito.regione.campania.it/agricoltura/pubblicazioni/pdf/apicoltura.pdf http://sphakia.classics.ox.ac.uk/beeconf/francis.html

Anthropologie du petit déjeuner

Comme il nous arrive aujourd’hui, quand notre ami César se réveillait à l’aube il y a plus de 2000 ans après une longue nuit de sommeil, il avait faim, et prenait alors prendre son premier repas de la journée : le jentaculum. Toutefois la plupart des Romains se limitaient à manger à la hâte un morceau de pain ou de galette, accompagné d’un peu d’eau. Au contraire, les plus riches, les patriciens (notamment notre César), avaient la possibilité de goûter chaque jour à un petit déjeuner gourmand différent. Pour eux le fait de bien manger  était ainsi une façon pour montrer à tout le monde leur réussite sociale. Si l’on analyse l’étymologie du premier repas de la journée dans différentes langues, on se rend compte des différentes conceptions autour de ce moment important de la journée. Dans les pays du Nord (comme la France, le Royaume Uni, ou l’Allemagne) on parle de breakfast (littéralement  une « pause rapide ») ou de petit déjeuner. Il s’agit donc d’un moment plus ou moins court et qui, il y a quelques siècles encore, était semblable à celui de l’époque romaine : un morceau de pain, accompagné le plus souvent d’un peu d’eau ou de vin. En espagnol on emploie le mot « desayuno », étymologiquement assez proche du français « déjeuner » ; on trouve donc ici l’idée d’un repas plutôt abondant et riche. Toutefois en latin on retrouve le mot collatio, qui dérive du verbe confero  (« contribuer »). Aux origines il s’agissait donc, d’un repas en famille ou entre amis, au cours duquel chacun apportait quelque chose. De plus  en latin on trouve un autre terme assez similaire, celui de colatio, qui signifie « soupe ». Ceci  nous permet alors de faire l’hypothèse que les romains accompagnaient sans doute une boisson (à base d’eau ou de lait) avec un élément solide, comme le pain ou la galette,  ou sous la forme d’une soupe de céréales. Si ce qu’on vient d’affirmer représente le petit déjeuner du Romain « standard », il ne faut pas oublier qu’il y avait de nombreuses différences même  à l’intérieur de l’Empire. En Afrique du nord on consommait plus de miel que dans le reste des provinces, d’autant que ces populations étaient parmi les producteurs principaux. En Germanie on consommait du pain plus foncé, car celui intégrait aux farines de blé d’autres farines de céréales, notamment de céréales vêtues.

Aujourd’hui tout est plus confondu car dans n’importe quel restaurant ou hôtel on trouvera le petit déjeuner dit continental : il est composés de boissons (café, cappuccino, lait, thé, chocolat chaud, jus de fruit, yaourts), associés à des douceurs (gâteaux, crêpes, confitures, viennoiseries), fruits, ou encore à des produits salés comme le fromage et la charcuterie. Même si parfois des traditions régionales restent en place, on note de plus en plus la diffusion des mêmes aliments dans l’ensemble du globe. Toutefois, même si ce que nous mangeons peut changer vite suite à une mode ou à d’autres exigences, ce qui change plus difficilement est la façon de consommer ce repas. Le petit déjeuner n’est pas tout simplement le premier repas du jour, mais il représente aussi une pratique culturelle très ancienne qui nous permet de comprendre pleinement les traditions de nos ancêtres et de nombreuses civilisations.

Bibliographie

  • DE CASTRO J.M. The time of day of food intake influences overall intake in humans, 2004.